louis-michel marion
5 strophes
kcr39
askings / first steps / who talks / the deep motion / deserts of vast eternity
Publié sur le label Kadima Collective Records "5 strophes" est le 2ème album solo (après "grounds" sur le label Emil) du contrebassiste Louis-Michel Marion,qu'on a pu entendre au siècle dernier avec Système Friche, qui collabore régulièrement avec Daunik Lazro, Aurore Gruel, Jacques Di Donato, Philippe Berger…
Il s'agit d'une pièce de 46'62 minutes en 5 parties enchainées, qui commence dans une agitation interrogative et se termine dans un apaisement presque contemplatif.
Après la première, plutôt percussive, les 4 strophes suivantes sont essentiellement jouées arco dans un travail sur les résonnances, les différents modes d'attaque, densités et épaisseurs du son.
New release of Kadima Collective Records, "5 strophes" is the 2nd solo album (after "grounds" on the french label "Emil") of french bassist Louis-Michel Marion (who sometimes works with saxophonist Daunik Lazro, clarinetist Jacques DiDonato or the choregrapher Aurore Gruel…).
"5 strophes" is a 46 minutes long piece in 5 parts. The music begins with "askings", agitato mixing pizzicati, bowings and percussive playing (which might sound like a kind of tribute to Jackson Pollock's drippings); then the music goes on through the (5) strings from the treble to the low one (low B), using various bowings, pressions, resonances and attacks to end in a contemplative way with "deserts of vast eternity".
"Après son poème-méditation sur la corde grave (le CD "Grounds" sur le label Emil), le contrebassiste Louis-Michel Marion continue ce que l'on pourrait nommer une exploration de l'instrument, toujours axé sur le phénomène sonore et sa qualité, une ouverture de l'espace à travers le son continu ou le silence. On ressent l'influence du violoniste Malcolm Goldstein dans ce disque et on ne s'en plaindra surtout pas !" Metamkine
"...Aussi à l'aise dans le domaine contemporain que dans celui de l'improvisation - encore une similitude (avec Joëlle Léandre) - alliant avec finesse le jeu à l'archet et le pizzicato, Marion nous emmène dans des contrées d'une poétique assez joyeuse et répétitive à souhait. "First steps", Who talks", "The deep motion", en sont le parfait exemple. Tout coule de façon naturelle, la machine à vapeur est lancée. Si ça et là une corde vient frapper le manche, point de violence. L'anti Kowald en quelque sorte. Le calme et la sérénité prédominent. A découvrir sans œillères."
Serge Perrot / Improjazz
French double bassist Louis-Michel Marion's sophomore solo double bass album (after his debut solo double bass album Grounds, Emil, 2012) blends influences from European schools of free improvisation and experimental, modern composers. Marion—who collaborates regularly with forward-thinking French improvisers like sax player Daunik Lazro, clarinetist Xavier Charles or pianist Sophie Agnel—describes himself as influenced by seminal, innovative double bass players such as Joëlle Léandre, Barry Guy and Peter Kowald and composers such as Giacinto Scelsi, Iancu Dumitrescu and Iannis Xenakis.
Marion frames the five improvisations with a quote by thinker Henry David Thoreau who wrote in his journal that "unpremeditated music is the true gauge which measures the current of our thought;" a quote by composer Malcolm Goldstein emphasizes his search for "finding new and subtle twists and turns as things move." And, indeed, the free improvisations search patiently and methodically for the deep, not only in its tones, and subtle sonic characteristics of the double bass.
"Askings" focuses on delicate sub-harmonics reached with a wise usage of the bow and its precise contact with the strings and the pressure put on the strings. On "First Steps" he creates a profound, meditative drone by focusing on short, repetitive lines that in their turn form a series of resonating, overtones that amplify the meditative spirit of this piece. "Who Talks" stresses the deep-toned, wide, resonant timbral range of the double bass in all its splendor and dark beauty. "The Deep Motion" is another drone piece, deeper and slower than "First Steps" but with similar intense, hypnotic power. Its captivating, emotional effect sounds timeless as if overcoming boundaries of time and space. "Deserts of Vast Eternity" suggests a spare, lighter atmosphere. Marion sketches a mysterious and abstract texture with light, surprising touches of the bow on the strings, employing silence as an integral part of his sonic palette.
Profound, inspiring work.
Eyal Hareunevi / Allabout jazz
Louis-Michel Marion a pris des leçons de contrebasse auprès de Jean-François Jenny-Clark avant d’en apprendre encore en compagnie de Vinko Globokar, Joe McPhee, Paul Rogers, Keith Rowe… Seul, c’est en poète forcené qu’il compose 5 strophes.
Sous l’influence revendiquée de Léandre, Phillips et Goldstein (pour ce qui est des archets), mais avec caractère. Ainsi, canalise-t-il aux doigts une imagination débordante (Deserts of Vast Eternity) quand il n’élève pas à l’archet harmoniques et autres chants parallèles pour parer ou étendre les motifs sur lesquels il insiste avec endurance. Si les strophes sont au nombre de cinq, combien y trouvent-on de nobles variations ?
Guillaume Belhomme / Le son du Grisli
Ne cherchez pas la mélodie, vous risqueriez de ne pas la trouver. Ici, pas de notes délicatement assemblées en vue de composer un « air » ou toute autre forme de musique, au sens traditionnel du terme, celle qu’il serait possible, par exemple, de fredonner. Louis-Michel Marion n’est pas de ceux qui en appellent au chant, parce qu’il appartient avant tout à l’espèce, souvent tapie dans l’ombre, des musiciens qui sondent leur instrument de prédilection au plus profond de ses entrailles, comme s’il était question de lui extorquer des richesses cachées, par tous les moyens. Parce qu’un instrument est un être vivant, porteur d’une voix unique, a priori silencieuse, que seule l’union avec le corps du musicien lui-même pourra faire entendre, à force de défis lancés sous la forme de duels (ou de duos) dont le caractère sensuel n’échappera à personne.
Celui qui fut autrefois bassiste de rock, mais aussi élève de Jean-François Jenny-Clark et de Pierre Hellouin, est parfois qualifié de générateur de son. Il se consacre essentiellement à l’improvisation depuis une quinzaine d’années, en se nourrissant entre autres des travaux de musiciens tels que Joëlle Léandre, Giacinto Scelsi, Barre Phillips, Daunik Lazro, Iannis Xenakis, Salvatore Sciarrino ou Morton Feldman. C’est par ailleurs un récidiviste du corps à corps en solitaire avec la contrebasse, lui qui avait déjà tenté l’aventure en solitaire avec Grounds (Emil, 2012), poussant le bouchon de ses introspections jusqu’à n’utiliser qu’une seule corde, la plus grave, au long d’un album exploratoire assez troublant. Avec 5 strophes (Kadima Collective), Marion affirme une fois de plus sa volonté d’extirper des cordes de sa contrebasse toute la vie qu’elle contient, jusqu’au dernier souffle. Adepte de l’arco, technique consistant à frotter les cordes avec l’archet, il devient alors le récepteur, puis l’émetteur de vibrations qui viennent occuper l’espace pour dessiner une matière sonore, mouvante et rendue palpable, tant son travail sur les résonances, le grain et les couleurs permet à chacun de la ressentir physiquement. Comme une sculpture de l’invisible. On n’écoute pas cette musique, on la reçoit au creux de l’estomac, lancinante et sombre, animée d’un mouvement continu, telle la chorégraphie d’un combat entre forces intérieures dont la tension ne faiblit jamais ; elle entrouvre les portes d’un inconnu attirant et inquiétant en proportions égales.
Louis-Michel Marion ne fournit pas avec 5 strophes un disque clés en main, un objet docile qu’il suffirait de glisser dans le lecteur pour comprendre : il faut faire l’effort de l’apprivoiser et se laisser emporter sans réserve pour lui donner vie. Car sa volonté est d’abord de questionner et de nous entraîner dans son univers introspectif. Mais tenter cette aventure avec lui, pénétrer son monde hypnotique d’ombres et de lumières, c’est aussi accepter d’embarquer pour un voyage magnifique dont l’issue promet une élévation de l’esprit. Le jeu en vaut la chandelle.
Denis Desassis / Citizen Jazz
Deuxième disque solo"5 strophes" de Marion enregistrés presque au même moment (que "grounds" vient de sortir sur la société Kadima Collective. La configuration est un peu différente; "grounds" consistait en un long drone de 33 minutes tandis que "5 strophes", comme le titre l'indique, est composé de cinq paragraphes plus courts. Le morceau d'ouverture est un spectacle de feux d'artifice où les notes sont distribuées dans toutes les directions possibles. La pièce est pleine de mystères techniques et musicaux. Marion joue en partie avec les doigts, ce qui semble être inhabituel pour lui. J'aimerais entendre plus de jeux de doigts, ça sonne vraiment bien. Les trois «strophes» suivantes se déploient plus sur le terrain habituel du drone. La deuxième piste "first steps" est un drone avec un foisonnement d'harmoniques tourbillonnantes, tandis que la troisième "who talks" est un drone grave qui fait immédiatement penser Peter Kowald mais avec des harmoniques coupés au couteau. La piste "the deep motion" commence comme une continuation de la piste précédente, même drone, même mise en place. Mais cela change tout à coup d'humeur, une pulsation grave et dynamique prend le relais. Il s'agit d'une prise de ruse. L'album se termine sur une tonalité sombre, beaucoup d'espace, insertion fugaces de sons plaintifs et de cordes écrasées.
C'est une fin sombre et dramatique à un bel album solo plein de détails à découvrir. Louis-Michel Marion est un bassiste à suivre.
Joacim Nyberg / Sound of Music
Louis-Michel Marion - 5 Strophes
Musicien discret, pour ne pas dire secret (on préfèrera "intérieur", ce qui colle si bien à la profondeur vibrante de sa musique), le contrebassiste Louis-Michel Marion publie avec 5 Strophes son second solo, le premier sur le label Kadima Collective.
Le label israëlien, créé par un contrebassiste, offre souvent de beaux écrins aux joueurs du "gros violon" qui versent dans la musique improvisée, à commencer par Joëlle Léandre et Barre Phillips.
Marion est de cette trempe, de ceux qui prennent le son à bras le corps, qui savent en bon sculpteur de silence trouver dans le matériau brut un chant intérieur, parfois secret.
En écoutant les disques de Marion, ces solos ou ses collaboration avec Françoise Toullec par exemple, on ne peut s'empêcher de songer à des musiciens comme Jean-Luc Petit.
Même approche de la matière que l'on doit malaxer, étaler, gauffrer parfois dans le glissement lancinant de l'archet, comme c'est le cas sur l'impressionnant "Who Talks" et se flot incessant de cordes en vibrations qui pénètre absolument, même presque physiquement, pour aller extirper la plus petite parcelle d'émotion.
C'est peu de dire que l'approche des solo de Marion est foncièrement graphique. Elle s'exprime d'abord sur la pochette, et ses vénules de couleurs qui s'entrecroisent comme autant de reliefs en de noirs agglomérats.
On retrouvait la même approche plastique sur Grounds, son premier solo qui s'imposait de ne jouer que sur la corde grave ; plus qu'un gage monocorde, se dégageait un paysage monochrome, qui cherchait dans la sobriété du Si tous les chemins possibles. et dessinait des paysages touffus sans lever l'archet, devenu fusain.
Il faut peu de gestes, peu de notes, peu d'effets à Marion pour jeter les bases de sa musique. L'archet est omniprésent, peu de pizzicati dans ses solos, mais un ronflement immense qui peu à peu dévoile ses interstices, comme sur "The Deep Motion" où lorsque les cordes sont frappés, c'est par le crin.
Il ne faudrait pas cependant penser qu'il y a de la distance entre Marion et son instrument. L'archet ne fait pas filtre, il est le prolongement du bras, le médiateur entre le bois et l'âme. D'ailleurs, 5 strophes commence par "askings", un corps à corps avec la contrebasse, foncièrement percussif et bondissant, qui fait chanter le bois.
Si Grounds était un hymne à la corde basse, 5 strophes consacre à chacune d'elle un épithalame ; la dernière est pour le bois, l'archet, ou l'ensemble, lorsqu'il n'utilise pas une contrebasse à cinq cordes (c'était le cas sur Grounds). On ne sait pas si ces strophes sont courtoises ou guerrières, mais elles se devinent à mesure qu'on se laisse gagner par cette musique de l'instant que le contrebassiste range sous l'autorité de Henry David Thoreau.
C'est sur "Deserts of Vast Eternity", où la contrebasse se laisse gagner par le silence écrasant qui frissonne entre chaque vibration des cordes que Louis-Michel Marion porte l'estocade, pleine de tension émotionnelle. On ne peut être qu'attentif à cette poésie que Marion laisse transsuder de son rapport à l'instrument. Remarquable.
Franpi Sunship / www.franpisunship.com
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La presse spécialisée ou semi-spécialisée qui traite le jazz contemporain et de l’improvisation tend à se focaliser sur une série d’artistes notoires alors que ce qui rend la scène improvisée fascinante est cet univers quasi-infini de musiciens de grand talent dont on ne se lasse pas. Parle-t-on contrebasse et les plumitifs nous reviennent sempiternellement avec Joëlle Léandre, Barry Guy, Barre Philips, feu Peter Kowald et maintenant, John Edwards. On a déjà presque oublié Paul Rogers, on ignore un Simon H Fell (qui est aussi un chef d’orchestre – compositeur de grande envergure), Ulli Philipp, Damon Smith et beaucoup d’autres… Le contrebassiste Louis-Michel Marion est un véritable improvisateur dont la participation dans le Clinamen trio et leur cédé « Décliné » (avec Jacques Di Donato et Philippe Berger) fait de lui un musicien à suivre. J’en ai fait la chronique dans un numéro précédent.
A la longue c’est chiant d’écouter toujours les mêmes. Un musicien aussi célébré qu’ Evan Parker lui qui a ouvert tout grand la porte sonore du saxophone alternatif et que beaucoup idolâtrent, est, lui, un inconditionnel de ses collègues qu’il trouve passionnants : John Butcher, Lol Coxhill, Michel Doneda, Stefan Keune, Urs Leimgruber, Ned Rothenberg, Tom Chant etc… trouvant que le fait d’être né plus tôt etc… n’est pas un argument… de vente… Donc, faites comme Evan Parker, partez à la découverte d’autres improvisateurs même s’ils ne jouent pas dans les festivals qui comptent … Et donc comme contrebassiste, Louis-Michel Marion est un sérieux client
Le propos de Grounds, enregistré en 2012 est de travailler, explorer, faire trembler la seule corde grave à l’archet jusqu’au bord de l’audible à la limite de l’infrason. Ce pourrait être un exercice de style, mais notre praticien exigeant et talentueux en fait un mirage de l’inconnu, une recherche éperdue de vibrations bienfaitrices durant trente-trois minutes. Un moment radical, intrigant…
Si vous préférez quelque chose de moins extrême, une bonne pioche sur le label israélien Kadima : Cinq Strophes du même Louis Michel Marion. Voilà ce qu’on aime dans la contrebasse improvisée depuis le fabuleux et prémonitoire Journal Violone de Barre Philips enregistré en 1968 et le Was Da Ist de Peter Kowald : une vibration multi dimensionnelle, un jusqu’au bout de la recherche, la beauté du geste, une écoute de soi exigeante, des couleurs, des sons qui bruissent, grincent, éclairent, des pizzicati qui dérapent, s’éparpillent, croisent un archet effilé… L-M Marion fait aussi subtilement deux choses à la fois avec inspiration comme dans ces magiques first steps de la plage 2. Travail à l’archet géant ! Rien à envier à Peter Kowald ! Cette musique a une âme et procure un plaisir, celui de l’artisanat fait main des sons libres arrachés à l’inertie du gros violon, sublimant les incartades auxquels sa nature consent en un instant de vérité. Magnifique.
Jean-Michel Van Schouwburg
http://orynx-improvandsounds.blogspot.be/2015/11/microlabels-improvises-et-reeditions.html